Aux origines du monde: la Genèse

Complet Réflexion

Bien des choses ont été dites sur ce que la Genèse enseigne au sujet de l’origine du monde. Bien des contresens aussi. Un retour au texte et à son contexte culturel et religieux s’impose pour mieux saisir la signification précise du premier chapitre de la Bible.

Abonnement au magazine Croire et Vivre

Je m'abonne

Aux origines du monde: la Genèse

o-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-o

Au commencement, Dieu crée le ciel et la terre.

La terre est comme un grand vide. Elle est dans la nuit. Une eau profonde la recouvre. Le souffle de Dieu se tient au–dessus de l’eau.

Dieu dit: «Que la lumière brille!» Et la lumière se met à briller.

Dieu voit que la lumière est une bonne chose. Alors il sépare la lumière de l’obscurité.

Dieu appelle la lumière «jour», et l’obscurité, il l’appelle «nuit». Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le premier jour.

Dieu dit: «Qu’un toit, au milieu de l’eau, la sépare en deux parties!»

Et cela arrive. Ainsi, Dieu fait le toit qui sépare l’eau d’en haut et l’eau d’en bas.

Dieu appelle le toit «ciel». Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le deuxième jour.

Dieu dit: «Que toute l’eau qui est sous le ciel se rassemble au même endroit, et que le sol apparaisse!» Et cela arrive.

Dieu appelle le sol «terre», et l’eau, il l’appelle «mer». Dieu voit que c’est une bonne chose.

Dieu dit: «Que la terre produise l’herbe verte, avec toutes sortes de plantes et toutes sortes d’arbres à fruits! Sur la terre, chaque plante aura ses graines. Chaque arbre aura ses fruits, avec des pépins ou un noyau, selon son espèce.» Et cela arrive.

La terre produit de l’herbe verte avec toutes sortes de plantes et toutes sortes d’arbres. Chaque plante a ses graines selon son espèce. Chaque arbre a ses fruits, avec des pépins ou un noyau selon son espèce. Dieu voit que c’est une bonne chose.

Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le troisième jour.

Dieu dit: «Que des lumières dans le ciel séparent le jour et la nuit! Elles marqueront les fêtes, les jours et les années.

Dans le ciel, elles serviront à éclairer la terre.» Et cela arrive.

Ainsi, Dieu fait les deux grandes sources de lumière: la plus grande pour commander au jour, et la plus petite pour commander à la nuit. Il fait aussi les étoiles.

Dieu les place dans le ciel pour éclairer la terre, pour commander au jour et à la nuit et séparer la lumière de l’obscurité. Dieu voit que c’est une bonne chose.

Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le quatrième jour.

Dieu dit: «Que toutes sortes d’animaux vivent dans la mer! Que les oiseaux volent dans le ciel au–dessus de la terre!»

Dieu crée les grands animaux de la mer et toutes les espèces d’animaux qui se déplacent et s’agitent dans l’eau. Il crée aussi toutes les espèces d’oiseaux. Dieu voit que c’est une bonne chose.

Dieu les bénit en disant: «Faites des petits, devenez nombreux. Remplissez l’eau des mers. Et vous, les oiseaux, devenez nombreux sur la terre.»

Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le cinquième jour.

Dieu dit: «Que la terre produise toutes sortes d’animaux: animaux domestiques, petites bêtes et animaux sauvages de chaque espèce!» Et cela arrive.

Ainsi, Dieu fait les différentes espèces d’animaux: les animaux sauvages, les animaux domestiques et les petites bêtes. Dieu voit que c’est une bonne chose.

Dieu dit: «Faisons les êtres humains à notre image, et qu’ils nous ressemblent vraiment! Qu’ils commandent aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel, aux animaux domestiques et à toutes les petites bêtes qui se déplacent sur le sol!»

Alors Dieu crée les humains à son image, et ils sont vraiment à l’image de Dieu. Il les crée homme et femme.

Puis il les bénit en disant: «Ayez des enfants, devenez nombreux. Remplissez la terre et dominez–la. Commandez aux poissons dans la mer, aux oiseaux dans le ciel et à tous les animaux qui se déplacent sur la terre.»

Dieu dit: «Sur toute la terre, je vous donne toutes les plantes avec leurs graines. Je vous donne aussi tous les arbres qui portent des fruits avec des pépins ou un noyau: ce sera votre nourriture.

Et je donne toute l’herbe verte comme nourriture à tous les animaux de la terre, à tous les oiseaux, à toutes les bêtes qui se déplacent sur le sol, en un mot, à tout ce qui est vivant.» Et cela arrive.

Dieu regarde tout ce qu’il a fait. Et il voit que c’est une très bonne chose. Il y a un soir, il y a un matin. Voilà le sixième jour.

Ainsi Dieu finit de créer le ciel, la terre et tout ce qu’il y a dedans.

Le septième jour, Dieu a terminé le travail qu’il a fait. Et le septième jour, il se repose de tout le travail qu’il a fait.

Dieu bénit le septième jour: il fait de ce jour-là un jour qui lui est réservé. En effet, ce jour-là, Dieu s’est reposé de tout son travail de créateur.

Genèse 1.1 - 2.3 (Traduction Parole de Vie)

o-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-oo-o

Le texte nous présente Dieu à l’œuvre en six «jours», le septième étant consacré au repos. Comment comprendre cette «semaine»?

Une semaine de travail à interpréter

• Certains lecteurs qu’on appelle communément «créationnistes»(1) considèrent qu’il faut prendre le texte «littéralement» (c’est-à-dire au pied de la lettre). Dieu aurait créé le monde en 6 fois 24h - alors que les physiciens comptent en milliards d’années. Pour défendre à tout prix ce qu’ils croient être la seule façon de lire la Genèse, les créationnistes soutiennent que les scientifiques se trompent! Dans les médias, on dit souvent que «la Genèse enseigne que le monde a été créé en 6 jours de 24h». Résultat: la Bible est considérée comme un «mythe» en contradiction avec la science.

En réalité, non seulement cette interprétation n’est pas la seule possible, mais elle n’est pas réellement conforme au texte. D’abord, il est tout simplement faux de penser qu’une lecture «littérale» serait la plus juste. La Bible utilise très souvent un langage imagé: ce serait faire un contresens que de le prendre alors au pied de la lettre. Ensuite, l’auteur ne voulait manifestement pas que l’on lise dans son texte une succession de six jours de 24h. Sinon, il n’aurait pas situé la création du soleil au quatrième, mais au premier «jour»: on ne peut même pas parler de «jour» sans lui!

• D’autres cherchent à concilier le texte avec les théories scientifiques en parlant de six grandes périodes. Cela correspondrait en gros à des ères géologiques. Le mot «jour», au sens figuré, signifierait «une grande durée».

On retombe cependant sur des problèmes analogues. D’une part, l’ordre ne correspond pas à la chronologie des scientifiques. Pour ces derniers les êtres de la mer apparaissent avant les arbres, les insectes avant les oiseaux, et bien sûr le soleil avant la lumière du jour! D’une part, la mention de «soirs» et de «matins» rythmant les jours montre que le texte utilise le mot «jour» au sens ordinaire. Mais pas forcément pour qu’on le prenne au pied de la lettre…

• Le texte lui-même suggère une troisième façon de comprendre. Cette activité déployée par Dieu jour après jour, ce repos au septième jour… Le texte prend tout simplement l’image d’une semaine de travail, se terminant par le jour de repos (le «sabbat» pour les Hébreux). Comme souvent, il utilise une façon imagée de parler de Dieu en partant des réalités humaines. On fait donc un contresens total en cherchant dans ce chapitre des préoccupations modernes concernant la chronologie de la formation de l’univers.

Un monde ordonné

La disposition en semaine obéit en effet à une logique différente. Les jours se correspondent un par un:

• jours 1 (lumière et ténèbres) et 4 (soleil, lune et étoiles);

• jours 2 (ciel et mer) et 5 (oiseaux et poissons);

• jours 3 (terre et végétation) et 6 (animaux et humains).

Durant les jours 1 à 3, Dieu sépare des éléments et dégage des environnements, durant les jours 4 à 6, il «peuple» les espaces correspondants. Le texte enseigne donc que Dieu a organisé l’univers de manière structurée en formant des espaces de vie et en leur assignant des occupants. Ainsi, le monde n’est pas le fruit du hasard, il a un sens. Dieu donne la liberté aux êtres de vivre dans des cadres qu’il leur a préparés. Ce monde est valorisé, comme le montre la répétition de la formule «Dieu vit que cela était bon».

Une révolution dans la manière de voir Dieu et le monde

Les enseignements les plus saisissants de la Genèse apparaissent quand on la situe dans son contexte culturel. Les Mésopotamiens et les Égyptiens possédaient des mythes de création («cosmogonies»). Quand on leur compare la Genèse, on découvre à la fois que son auteur les connaît, et qu’il les critique implicitement. Ainsi:

En Mésopotamie, le soleil et la lune étaient considérés comme des dieux, auxquels on écrivait des cantiques. Ici ils ne sont que des objets créés par un Dieu unique. Totalement subversif! Les Mésopotamiens croyaient aussi qu’un dieu, Marduk, avait créé le monde en coupant en deux un autre dieu (Tiamat): une moitié était devenue le ciel, l’autre la terre. Dans la Genèse, une distinction totale est faite entre Dieu et le monde.

En Égypte, on a un scénario qui annonce celui de la Bible, mais avec une multitude de dieux identifiés aux éléments de la matière. Une masse d’eau primordiale, agitée de «dieux du chaos» [cf. le tohu bohu biblique(2) et «vide» (bohu), d’où l’expression «tohu bohu».)], devient un dieu-abîme Nun. Les eaux sont survolées par le dieu Amun («vent» ou «âme»), comme l’Esprit de Dieu dans la Genèse. Sur une parole du dieu Ptah, le dieu-lumière Atum surgit (avant le soleil!). Puis on procède par séparationentre le dieu-terre Geb et la déesse-ciel Nut, divisés par le dieu-firmament Shu. À la fin, Ptah se repose, comme Dieu au septième jour.

Au courant des cosmogonies égyptiennes, l’auteur de la Genèse écrit son propre texte, épuré et sobre, avec génie. Il a sa propre conception de la création: un Dieu unique, distinct de la matière, crée et ordonne le monde en procédant effectivement par séparations progressives. Mais l’auteur fait exprès de reprendre des motifs égyptiens, totalement nettoyés du polythéisme. Ainsi, un homme de son époque comprenait immédiatement la révolution opérée. À chaque étape, la Genèse dénonce l’assimilation de la matière à des dieux. Elle célèbre un Dieu unique, d’un autre ordre que le monde, qui crée et façonne la matière comme un potier avec l’argile. Pour le montrer, l’auteur a recours à l’image d’un artiste créant durant une semaine de travail.

Quels sont donc les enseignements majeurs de la Genèse sur la formation du monde? Ils ne concernent certes pas les questions scientifiques que les modernes se posent. L’auteur exprime plutôt une conception révolutionnaire de Dieu et de son rapport au monde. Il n’y a pas une multitude de dieux partiels, mélangés à la matière, mais un Dieu unique, totalement distinct du monde mais qui s’en préoccupe. Il se plaît à faire surgir la matière et à la façonner pour en faire un cadre de vie pour les êtres vivants. C’est une œuvre d’art devant laquelle il se réjouit. Pour les croyants, ce Dieu a inspiré le texte de la Genèse, afin de révéler qui il est et son intérêt pour le monde.

==========================================

Pour aller plus loin

– Henri Blocher, Révélation des origines, Lausanne, Presses Bibliques Universitaires, 2001

– Lydia Jaeger, "Baptiser Darwin? Le pasteur et la théorie de l'évolution", Cahiers de l'école pastorale n°71. Également disponible en ligne sur le site www.ecolepastorale.com.

– M.-J. Seux, M. Gitton, J.-L. Cunchillos et J. Briend, La Création et le Déluge d'après les textes du Proche-Orient Ancien, Supplément au Cahier Évangile n°64, Paris, Cerf, 1988.

==========================================

Recevez ce numéro
au format papier

3 €

J'achète ce numéro

Téléchargez ce numéro
au format ePub et PDF

2 €

J'achète ce numéro

Abonnement au magazine Croire et Vivre

Je m'abonne

1.
Le terme est un peu trompeur puisque beaucoup de gens qui comprennent différemment le texte croient aussi que Dieu a créé le monde.
2.
Au verset 2, le texte dit que la terre était «informe» (tohu en hébreu

Vous aimerez aussi

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail nous permet :

  • de vous reconnaitre et ainsi valider automatiquement vos commentaires après 3 validations manuelles consécutives par nos modérateurs,
  • d'utiliser le service gratuit gravatar qui associe une image de profil de votre choix à votre adresse e-mail sur de nombreux sites Internet.

Créez un compte gratuitement et trouvez plus d'information sur fr.gravatar.com

Chargement en cours ...