La formation des “laïcs”

Complet Les anciens
Si nos Églises disposent, fort heureusement, d’instituts de formation de haut niveau pour leurs pasteurs – formation initiale (facultés et instituts) et continue (École pastorale) –, qu’en est-il de la formation des cadres de nos Églises ? La pression sociologique pousse, en effet, dans le sens d’un partage des responsabilités et des ministères, y compris celui de la Parole, au sein de nos communautés. Et ce mouvement est à encourager en vue de multiplication et de la maturité de l’Église. Il trouve, d’ailleurs, des fondements bibliques, tant il n’est ni juste ni fécond d’attendre d’un seul la capacité d’entraîner et d’enseigner d’autres dans la foi. Mais alors, comment accompagner ce mouvement et former ces cadres ?

Pierre Jeuch, figure du « laïc à plein temps », choisit de nommer cadres, ces « laïcs » qui ne sont pas « pasteurs » au sens professionnel du terme. Ceci peut certes venir questionner notre ecclésiologie protestante, mais cette distinction sémantique entre clercs et laïcs a le mérite d’identifier la problématique spécifique de ces derniers, en particulier celle de devoir composer avec l’exercice d’une autre profession et les formations qu’elles impliquent. Un article stimulant mêlé de témoignages, d’orientations pratiques et de bon sens.

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La formation des “laïcs”

Je ne suis pas un enseignant, et je ne cherche pas à faire la promotion de telle ou telle offre de formation. Je parle donc de formation des « laïcs », essentiellement à partir de mon propre parcours : celui d’une vie au service de l’Église en parallèle avec l’exercice d’un métier. J’ai toujours été préoccupé par la formation pour assumer au mieux les responsabilités que j’ai exercées. Je peux donc témoigner de mon expérience, et le faire à partir des réflexions qu’elle a générées.

Pour surmonter ma réserve naturelle à parler de moi, l’article de Nicolas Farelly sur « La discipline du secret(1) » m’a convaincu de présenter mon parcours, car j’y discerne bien la main du Père céleste. Nicolas citait en particulier cette parole de l’Évangile : « Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu’ils voient vos belles œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux(2). »

Je m’exprime donc plusieurs fois à la première personne, en espérant que mon expérience puisse stimuler et encourager d’autres à s’engager sur ce chemin du service de Dieu. Mon expérience n’est pas à considérer comme normative, ni même comme une référence, mais plutôt comme une source de réflexion et d’inspiration qui pourrait éclairer et stimuler d’autres personnes dans leur démarche.

Qu’est-ce qu’un « laïc » ?

Ce mot était totalement absent dans l’environnement dans lequel j’ai grandi spirituellement, par suite d’une forme de réaction contre le cléricalisme. Le laïc se définit en effet par contraste avec le pasteur, conçu comme un professionnel au service de l’Église. Le laïc est donc un amateur, ou plutôt un serviteur bénévole. Ce statut ne dit rien de sa compétence, même si l’on peut supposer que le professionnel est généralement mieux formé que l’amateur.

Pour les bénévoles nous parlons généralement de « service », plutôt que de « ministère », mais ce vocabulaire varie selon les cultures d‘Église, de même que la place donnée à ces laïcs engagés au service de l’Église.

Vocation, compétence et formation des laïcs

Le service de Dieu repose avant tout sur un appel, tant pour les pasteurs que pour les laïcs. Et si la vocation générale à servir Dieu et le prochain se décline de façon individuelle et personnelle, le discernement communautaire est important pour la validation de cet appel, et la responsabilité des conducteurs de l’Église est déterminante dans la démarche. L’aptitude au service comporte différentes qualités ou compétences qui peuvent être résumées par les trois verbes : être – savoir – faire.

  • Être : le caractère, propre à chacun, est modelé par l’action du Saint-Esprit.
  • Savoir : la connaissance est acquise par la formation académique.
  • Faire : le savoir-faire est développé par l’expérience pratique.

La première qualité (être), la plus importante, ne s’acquiert pas directement dans les institutions de formation, mais tout le parcours de vie contribue à la façonner. Elle est première car elle est fondamentale dans l’appel. Dans tous les cas, les qualités de caractère sont déterminantes pour un ministère fructueux et épanoui, que ce soit en tant que professionnel ou en tant que bénévole.

Pour un pasteur, l’acquisition des connaissances (savoir) anticipe souvent sur le développement de l’expérience (faire). C’est probablement pertinent pour acquérir des bases solides pour un ministère « à plein temps », mais un diplôme académique ne qualifie pas en tant que tel pour le ministère. Il faut une reconnaissance de l’appel par l’Église.

Pour un laïc, c’est presque toujours dans l’ordre inverse que ces compétences sont acquises. Son engagement le conduit à développer un savoir-faire (faire) basé sur l’expérience. Le besoin d’une meilleure formation académique (savoir) apparaît souvent ensuite, face à certaines limites dans la pertinence du service, pour l’enseignement en particulier.

Cette distinction entre la formation des pasteurs et celle des laïcs est un peu caricaturale. La reconnaissance du ministère d’un laïc se fait généralement de façon moins formelle que pour un pasteur, mais cette validation est néanmoins importante.

Ensuite il ne faut pas exagérer l’aspect séquentiel de l’acquisition de ces compétences, l’ensemble constituant un développement continu à plusieurs facettes, y compris pour le pasteur professionnel.

Mon témoignage

J’ai eu le privilège d’être exposé très jeune au message de l’Évangile et à m’habituer à une discipline de lecture biblique régulière. L’engagement dans une Église naissante (essaimage) durant mes études à Grenoble et ma connaissance des Écritures m’ont naturellement amené à assumer des responsabilités dans cette implantation, allant jusqu’à celle de la direction de ce groupe quand son fondateur a été appelé à un autre ministère. J’avais alors 25 ans.

Ma carrière professionnelle de physicien s’est façonnée en complémentarité à cette vocation, Dieu ouvrant des portes tout à fait surprenantes pour me permettre de poursuivre cet engagement sur Grenoble après mes études d’ingénieur. Le service de Dieu par le développement du témoignage de l’Église a été clairement une priorité dans ma vie, et dans mes choix professionnels. Ainsi, j’ai fait une thèse pour rester sur place au service de l’Église. Ensuite, au retour d’une première année sabbatique aux USA, j’ai été recruté, toujours à Grenoble, comme chef d’un groupe de recherche dans un domaine technique totalement nouveau pour moi. Ce sont mes capacités managériales qui ont été repérées et qui se sont développées ensuite. Nous avons finalement quitté Grenoble en organisant une mutation professionnelle quand nous avons considéré, avec mon épouse, que le temps était venu de laisser des plus jeunes assumer leurs responsabilités pour la conduite et le développement de cette Église.

Chemin faisant, ma carrière professionnelle a connu un épanouissement dont je n’ai pas à rougir. « Servez vos maîtres de bon cœur, comme si vous serviez le Seigneur et non des hommes(3) » a toujours été ma ligne de conduite, et c’est bien au Seigneur que j’attribuais tous mes succès professionnels.

Un tel engagement, à fond dans le travail et à fond dans l’Église, n’était possible que parce que mon épouse partageait totalement cette priorité et qu’elle s’est elle-même engagée dans ce service « bénévole ».

Différents séminaires et cours organisés par l’Église « mère » nous ont permis, à tous deux, de développer nos connaissances et compétences, mais je restais bien conscient de mes limites.

Une vie professionnelle exigeante de cadre, puis de cadre supérieur, la responsabilité d’une Église qui se développait, et une vie de famille heureusement bien intégrée dans l’Église, ne me laissaient que peu de temps à la formation en dehors des périodes de vacances (séminaires et lectures). Deux opportunités d’années sabbatiques professionnelles aux USA nous ont offert des périodes de ressourcement et d’approfondissement déterminantes.

Au retour du deuxième séjour, la découverte d’une offre de cours décentralisés de la FLTE à Lyon (un samedi par mois) a été un vrai bol d’oxygène, et j’y ai entraîné tout un groupe dans le souci de voir d’autres se former tout en me formant moi-même. J’ai profité de ces cours pendant une dizaine d’années, jusqu’à mon départ de la région Rhône-Alpes. Les « Universités d’été » de la FLTE ont bien complété cette formation universitaire. Je reviendrai plus loin sur l’importance de ce type de formation plus académique.

Complémentarité des vocations professionnelles et ecclésiales

De nombreux chrétiens ont choisi la carrière d’enseignant pour favoriser cette complémentarité, tant dans les compétences développées que dans le partage du temps. Mon témoignage illustre la diversité des voies possibles, sachant qu’il est important pour tout chrétien de placer son engagement professionnel sous le contrôle du Seigneur.

Étant propulsé, sans l’avoir recherché, dans des positions d’encadrement, j’ai demandé à participer à différentes formations professionnelles autour du « management des personnes » qui m’ont bien aidé à progresser également dans ma mission au service de l’Église.

À l’inverse, mon expérience ecclésiale a contribué à la qualité de mon travail professionnel. Ainsi, lors d’un séminaire de chefs de service, un exposé sur le « management des personnes », agrémenté de citations bibliques, m’a valu ma promotion comme chef de département. Ma façon de gérer les équipes était inspirée par les mêmes principes et valeurs bibliques que mon service dans l’Église.

Cette expérience personnelle n’est qu’une illustration de cette complémentarité des vocations professionnelles et ecclésiales. En la rapportant je veux surtout rappeler que Dieu prend soin de notre vie professionnelle quand on compte sur lui et qu’on donne la priorité à son service.

Quels ministères pour les laïcs ?

Dans la plupart des Églises évangéliques, il n’y a aucun service dont les bénévoles soient a priori exclus. Ce sont donc leurs compétences – leur formation – qui fixent les limites de leur ministère. Leur disponibilité constitue, bien sûr, une limite à leur service. Mais il faut bien reconnaître que les limites de leur formation sont souvent liées à leur manque de disponibilité. Tout commence donc par ce que l’on appelle la consécration, c’est-à-dire la priorité que ces chrétiens donnent à leur service de l’Église par rapport à l’ensemble de leurs activités. Comme nous l’avons souligné, les qualités de caractère (être) précèdent le savoir-faire (faire) et la connaissance (savoir).

Les bénévoles assurent généralement des services liés à des compétences acquises « sur le tas », c’est-à-dire par une forme de mimétisme de personnes exerçant ces ministères. Il s’agit surtout de fonctions d’animation (groupes de prière ou de partage, présidence de cultes). Les pasteurs forment souvent localement des jeunes à ces services en les aidant dans la préparation, puis en faisant l’évaluation de leurs interventions. Ces formations sont très pertinentes quand elles sont assurées avec soin et de façon suivie.

L’enseignement des enfants est souvent confié à des bénévoles. Il existe des formations dédiées(4), mais il y a malheureusement aussi beaucoup d’improvisation dans ce domaine. Une formation et un accompagnement de ces enseignants sont essentiels, car ces classes sont loin des yeux du pasteur, et cette population est particulièrement réceptive, voire fragile. Les bases posées dans ces premières années sont souvent déterminantes pour toute une vie.

Les responsables jeunesse ont une mission capitale, tant dans la dimension pastorale que dans celle de la transmission du message de l’Évangile. L’autonomie croissante des jeunes par rapport à leurs familles nécessite un accompagnement attentif du fait des multiples influences auxquelles ils sont exposés. C’est la période des choix de vie déterminants. Des modèles enthousiastes dans le service de Dieu ont une influence décisive sur le choix des jeunes. Les Unions ou Fédérations d’Églises sont bien conscientes de l’enjeu et organisent généralement l’accompagnement et la formation de ces responsables(5).

Les ministères d’accompagnement (appelés aussi « relation d’aide ») sont souvent assurés (avec plus ou moins de bonheur !) par des membres des Église sans formation spécifique. Les compétences requises reposent surtout sur les qualités humaines d’écoute et de compassion, et ne font pas souvent l’objet de formations significatives. Ceux qui veulent s’appliquer dans ces services peuvent trouver des séminaires(4) et des lectures associant des conseils de praticiens avec quelques notions de psychologie.

Les ministères de la Parole

La transmission du message biblique est au cœur de la mission de l’Église. C’est donc naturellement sur ces ministères que se focalise la formation des pasteurs. Comment les laïcs peuvent-ils se former à ces ministères afin de les exercer de façon pertinente ?

Soulignons d’abord que, compte tenu de l’importance de cette transmission pour le développement de l’Église, en limiter l’exercice aux « professionnels » serait une restriction regrettable. Cependant ce service ne s’improvise pas et, même si c’est important, avoir de bons modèles ne suffit pas à développer cette compétence.

La force du témoignage d’une Église dépend donc grandement du nombre de membres ayant une formation biblique solide, et de la qualité de cette formation. Tous les membres n’ont pas la même vocation pour cette transmission, mais tous doivent aspirer à progresser dans leur capacité à transmettre le message de l’Évangile de façon complète et adaptée.

Notons aussi que la capacité à diriger une communauté locale dépend particulièrement du niveau de connaissance biblique et théologique (savoir), même si d’autres qualités (être) sont importantes pour ces ministères de conducteurs.

Connaissances bibliques

  • Lecture de la Bible

Dans nos Églises évangéliques, nous encourageons tous les chrétiens à une lecture personnelle et régulière de la Bible. J’ai, pour ma part, suivi fidèlement les notes de la Ligue pour la Lecture de la Bible dans mon enfance et ma jeunesse. Interpellé à l’âge de 21 ans par Ralph Shallis(6), à l’époque notre mentor dans la nouvelle implantation à Grenoble, j’ai pris le rythme de lecture de « la Bible en un an ». Avec mon épouse nous poursuivons ce programme depuis plus de 45 ans en encourageant d’autres à l’adopter (voir encart). Une bonne connaissance de la Parole de Dieu, et une imprégnation permanente de la pensée divine sont déterminantes pour un ministère pertinent au service de Dieu. Une lecture systématique de toute la Bible est capitale, tant pour la formation du caractère (être), que pour établir un fondement solide pour toute formation à un ministère de la Parole. Les notes et introductions des éditions annotées sont bien utiles pour les néophytes.

Groupe de partage autour de la « Bible en un an »

Depuis quelques années, une quinzaine de personnes se retrouvent autour d’un brunch le samedi matin à l’Église Baptiste de Massy (associant aussi l’Église voisine d’Antony) pour échanger leurs découvertes et s’encourager mutuellement dans un programme de lecture de « la Bible en un an(7). » Nous avons fait le choix d’une lecture chronologique qui met en parallèle les psaumes de circonstance avec les événements rapportés dans les livres historiques et nous avons aussi intercalé la lecture des prophètes avec les récits historiques correspondants. Ainsi, avec une moyenne quotidienne de deux à trois chapitres de l’Ancien Testament et d’un demi-chapitre à un entier dans le Nouveau Testament (20 à 30 minutes par jour), nous lisons toute la Bible en une année.

Voici quelques témoignages de participants :

Marie France : Je suis très attachée à ce programme de lecture et à ces rencontres car je découvre la personne de Dieu et son plan de salut. C’est très enrichissant dans la semaine, puis de partager ses réflexions avec les frères et sœurs chaque samedi. De plus, nous tissons de véritables liens fraternels. Cette expérience éveille en moi le désir de mettre la Parole de Dieu en pratique dans ma vie de tous les jours.

Pascal : Je ne connaissais pas bien l'Ancien testament, et ce programme de lecture m'a permis de faire le lien entre l'Ancien et le Nouveau à travers un plan bien étudié. Lors de ces rencontres hebdomadaires, les commentaires des animateurs et le partage avec les participants donnent un éclairage qui complète de manière très appréciable notre découverte personnelle de la Parole de Dieu. J’ai ainsi pu grandir dans ma foi, et passer du lait à une nourriture plus consistante, jusqu'à me faire regretter les séances que je ratais. Je compte bien reprendre pour une nouvelle année, et je recommande à tous de profiter de cette approche agréable de la Parole autour de petits déjeuners prolongés en bonne compagnie.

Kevin (17 ans) : Je suis très content de participer chaque samedi à « la Bible en un an » de notre Église, car cela me permet de grandir dans la foi en comprenant pas mal de choses avec ce qui est dit par les animateurs. Cela fait peu de temps que j’ai donné ma vie à Christ, et étant jeune, je me pose pas mal de questions dont certaines sont bien abordées dans ces rencontres. J’encourage les jeunes et moins jeunes à y participer.

  • Lectures et études personnelles

Il existe une littérature abondante et de qualité pour tous ceux qui veulent approfondir leurs connaissances sur tel ou tel sujet, ou accompagner leurs préparations d’études bibliques. Ici, le rôle du pasteur comme ressource bibliographique et comme conseiller est capital pour stimuler les laïcs. Les revues comme les Cahiers de l’École Pastorale contribuent à cette richesse, et les recensions telles qu’elles sont pratiquées dans les CEP sont bien utiles pour nous stimuler et nous guider dans les choix de lecture.

  • Formations bibliques et théologiques

Dans le cadre de cet article, nous voulons mettre l’accent sur les « formations en cours d’emploi » (FCE) destinées aux responsables des Églises. Certaines d’entre elles peuvent constituer une première étape vers un ministère à plein temps. Le nombre d’offres existant montre bien la prise de conscience de ce besoin dans notre monde évangélique. La diversité des offres donne un choix important pour que chacun puisse trouver la formule qui s’adapte le mieux à sa situation personnelle. Nous vous invitons à étudier ces différentes offres à partir de l’inventaire proposé sur le site de la FEEBF(8).

Voici quelques pistes pour cette recherche :

  • Formations en Église(9) : INSTE, ITEA ou Aventure Formation.

Ces formations sont faites par le pasteur ou un autre cadre bien formé en utilisant des manuels de cours dédiés. Elles visent un public large allant des chrétiens débutants motivés jusqu’aux responsables de l’Église. Leur atout principal réside dans la dynamique de formation qu’elles développent dans la communauté locale. Les Églises proches se regroupent quelquefois pour organiser ces formations en commun.

  • Cours intensifs des Instituts et Facultés(10) : FLTE, FJC, IBN, IBG, Emmaüs, Bienenberg.

Les institutions qui forment des pasteurs ont toutes réalisé l’enjeu de la formation des cadres laïcs des Églises évangéliques. Elles proposent des formations assurées par leurs enseignants, dispensant leurs cours selon un rythme spécifique, généralement en week-end, quelquefois en soirée ou en sessions intensives d’une semaine ou deux, dans leurs propres locaux ou de façon décentralisée. Notons que l’IBN, la FLTE et la FJC se sont associés dans le cadre de Formapré(11) pour une offre conjointe décentralisée sur une dizaine de sites en France. Outre la qualité de ces formations, le développement des relations qu’elles permettent est important pour l’ouverture et le réseau relationnel des futurs cadres des Églises locales. Cette approche constitue réellement le cœur de la formation biblique et théologique des cadres laïcs.

  • E-learning : Facultés et Instituts

Ces différentes institutions proposent aussi des cours en ligne pour ceux qui ne peuvent se déplacer facilement. Bien que plus motivants et interactifs que les traditionnels cours par correspondance, ces cours souffrent cependant de l’isolement des étudiants. Différentes formules (entretiens Skype, étudiants se regroupant localement, sessions résidentielles associées…) permettent de limiter les inconvénients de cet isolement, mais il faut une forte motivation personnelle pour persévérer dans un tel cursus.

  • Niveau universitaire

Pour ma part, j’ai été au bénéfice de plusieurs formations dans l’Église, ou en séminaires dédiés, mais j’avais un manque que je ne savais pas bien définir. Les connaissances acquises me donnaient les bases pour transmettre la « bonne doctrine évangélique » et étaient utiles pour mon ministère. Je n’avais cependant pas une hauteur de vue équivalente à ma formation professionnelle. C’est en découvrant l’offre de la FLTE évoquée plus haut dans mon témoignage que j’ai compris ce qui me manquait.

Ce type de formation ne s’adresse probablement pas à l’ensemble des laïcs engagés dans le service de l’Église. En revanche, il me semble important que ceux qui ont fait des études supérieures, et qui sont cadres dans leur métier séculier, puissent avoir une hauteur de vue équivalente dans leurs connaissances théologiques. On dépasse ici la perspective de la « bonne doctrine évangélique » pour s’engager dans une réflexion sur l’ensemble des approches doctrinales rencontrées, y compris celles que nous refusons. Il est important d’appréhender les questions ecclésiales au même niveau que nous le faisons pour les questions professionnelles. Non seulement notre apologétique s’en trouve stimulée, mais toute notre compréhension des doctrines s’en trouve affermie. L’enjeu n’est pas seulement d’être préparé à un dialogue interconfessionnel, mais d’apprendre à discerner les racines de certaines déviations qui sont souvent d’éternels recommencements.

Pour faire le parallèle avec le monde de l’entreprise, il y a des formations techniques conduisant à des compétences très utiles pour assurer un travail précis. La formation de cadre est généralement moins directement opérationnelle, mais elle produit une capacité de compréhension supérieure. Apprendre à analyser, apprendre à apprendre n’est pas aussi productif dans l’immédiat, mais cela développe une capacité d’adaptation et d’évolution. Tous ne sont pas appelés à cela, mais il serait regrettable que ceux qui ont cette habitude dans leur vie professionnelle ne puissent l’exercer dans leur engagement ecclésial.

Formation en alternance et sessions intensives

La nature du ministère pastoral et l’équilibre, ou plutôt le développement simultané, entre les trois dimensions – être, faire et savoir – conduit à encourager la formation en alternance. C’est un schéma de plus en plus développé dans le monde séculier, y compris pour des formations de haut niveau. L’association d’une formation biblique et théologique à l’exercice d’un ministère en développement est particulièrement intéressante car les deux s’enrichissent mutuellement. Il ne s’agit donc pas de formation « au rabais » mais d’une formation conjuguant deux dimensions intimement liées du ministère, la connaissance et l’expérience (savoir et faire). Une offre de formation de ce type permet aussi, par la souplesse qu’elle présente, de recevoir une formation théologique de bon niveau pour des chrétiens consacrés qui n’ont pas fait le choix de renoncer à leur emploi séculier. La frontière entre pasteur et laïcs est ainsi beaucoup moins tranchée.

Accompagnement et tutorat

La dynamique de groupe des étudiants résidentiels contribue beaucoup à l’émulation indispensable dans un cursus quelquefois aride. Dans le cas des formations en alternance, les instituts de formation organisent généralement l’accompagnement des étudiants pour compenser un plus grand isolement. Il faut, en effet, beaucoup de motivation et de persévérance pour investir sur le long terme face à la pression de l’urgence dans l’exercice du ministère.

Pour les formations en cours d’emploi (FCE), cet accompagnement n’est généralement pas organisé de façon aussi systématique par l’institution de formation. Le pasteur de l’apprenant peut jouer ce rôle de tuteur, mais il est important de le formaliser dans des échanges programmés pour le faire sérieusement. Je ne saurais trop encourager les pasteurs à investir dans cet aspect de leur ministère. Les personnes en souffrance ou « à problème » mobilisent souvent nos pasteurs plus que ceux qui se forment pour mieux servir et qui ne posent pas de problèmes. Il faut donc formaliser cet accompagnement pour lui donner la priorité qu’il mérite. C’est bien là le cœur de notre vocation :

« Et l'enseignement que tu as reçu de moi et que de nombreux témoins ont confirmé, transmets-le à des personnes dignes de confiance qui seront capables à leur tour d'en instruire d'autres(12). »

Pour certains pasteurs, une telle démarche peut impliquer une révolution dans leur conception du ministère. Ils doivent accepter de ne plus être les seuls référents de la connaissance, car ceux qui se forment peuvent avoir des capacités supérieures aux leurs. Ils peuvent ainsi se sentir menacés dans leur statut. Cette crainte n’est cependant pas justifiée car les qualités de caractère (être) sont largement prédominantes sur celles de la connaissance (savoir) dans la reconnaissance de l’autorité du pasteur. Au contraire, un rôle moteur du pasteur pour susciter de nouveaux ministères contribuera fortement à établir cette autorité. Je connais au moins deux cas précis où j’ai pu observer cela.

Signalons aussi une difficulté liée à des initiatives individuelles de formation non accompagnées. Certaines personnes, quelquefois insatisfaites dans leur vie professionnelle, peuvent chercher une compensation dans une reconnaissance de leur place dans l’Église. Il faut alors faire comprendre que la connaissance (savoir) n’est pas suffisante pour la reconnaissance d’un ministère comme nous l’avons déjà souligné pour le ministère pastoral plus haut. Un travail pastoral vigilant et patient est nécessaire pour amener chacun à accepter sa place pour un développement harmonieux de l’Église.

Les mouvements géographiques sont de plus en plus fréquents et méritent une mention, ici, dans cette réflexion sur l’accompagnement des laïcs en formation. Tel jeune sur qui on a investi part en trouvant un emploi ailleurs ou en se mariant. Notre investissement est-il perdu ? Certainement pas, car nous travaillons pour l’œuvre du royaume de Dieu qui n’est pas limité à notre communauté. Une attention particulière doit donc être portée à son « transfert », et une lettre de recommandation contribuera grandement à l’aider à poursuivre sa vision de service.
De façon corollaire, l’accueil de personnes ayant déjà servi dans une autre Église doit faire l’objet de l’attention du pasteur et des responsables d’une Église locale. La reconnaissance des capacités de ces nouveaux et l’étude de leur intégration sont importantes pour eux comme pour les anciens membres engagés.

Conclusion

Le message de l’Évangile a vocation à bouleverser le monde. Le modèle de multiplication par cette transmission de proche en proche que Paul recommande à Timothée conduit à une croissance « explosive » (exponentielle).
La clé de cette multiplication est dans la fidélité de la transmission, avec des vies transformées par le Saint-Esprit et un exposé de « tout le conseil de Dieu » à des personnes fidèles et consacrées. Inscrivons-nous dans cette perspective à travers une attention particulière à la formation des laïcs.

Je conclurai en résumant quelques défis pour les pasteurs dans cette démarche :

  • Communiquer avec enthousiasme une vision exaltante du royaume de Dieu, et donner envie de placer le service de Dieu au cœur des priorités. Ce sont (presque) toujours des modèles humains qui nous inspirent, et cela davantage par leur enthousiasme que comme des modèles de savoir-faire.
  • Reconnaître ceux qui ont des qualités de conducteurs et leur montrer l’enjeu de la formation. Les dons de l’Esprit sont déterminants pour le service de Dieu, et chacun a la responsabilité de les faire fructifier à la mesure de ce qu’il aura reçu. Cela représente souvent beaucoup de travail et de grands renoncements. Ne nous contentons pas de demi-mesures.
  • Conseiller les chrétiens dans leur démarche de formation pour choisir un cursus adapté à leur situation personnelle. L’inventaire sur le site Internet de la FEEBF, auquel nous faisons référence à plusieurs reprises, est un outil utile pour cela. Cet article aussi peut aider à stimuler cette démarche de façon volontariste.
  • Les accompagner par un échange suivi et une mise en pratique adaptée. Une formation de bon niveau prend du temps et exige une mobilisation importante. L’accompagnement aussi demande une bonne disponibilité. Le pasteur peut le déléguer à des chrétiens mûrs et compétents, mais il doit leur demander un retour car il ne peut se désintéresser d’une mission aussi capitale de son ministère.

Un dernier mot d’encouragement pour les « laïcs » qui lisent cet article. J’espère que mon témoignage vous aura convaincu de « payer le prix » de l’excellence dans votre engagement au service de Dieu. « J’en suis fermement persuadé : celui qui a commencé en vous son œuvre bonne la poursuivra jusqu’à son achèvement au jour de Jésus-Christ(13). »

Auteurs
Pierre JEUCH

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1.
Nicolas Farelly, « La discipline du secret », Cahiers de l’École Pastorale n°99 (2016), p. 15.
2.
Matthieu 5.16, cité par Nicolas Farelly, op. cit.
3.
Éphésiens 6.7 (La Bible, Parole de Vie).
4.
Voir quelques offres dans ce domaine sur http://www.eglises-baptistes.fr/Formation/Formations-specialisees.html#.V68V945rKtA
5.
Voir pour la FEEBF http://www.eglises-baptistes.fr/Enfance-et-Jeunesse/OCTOBRE-2015.html#.V-AF745rKtA
6.
Ralph Shallis a repris et développé ce message dans Si tu veux aller loin, Farel (1980).
7.
Ce programme de lecture chronologique de « la Bible en un an » peut être trouvé sur le site : http://www.eglise-massy.fr/les-activites-de-l-eglise/la-bible-en-un-an. On trouve bien d’autres plans de lecture de « la Bible en un an » sur Internet.
8.
Voir http://www.eglises-baptistes.fr/Formation/Disciples-et-responsables-Formation-en-Cours-d-Emploi-FCE.html#.V-AKWY5rKtA
9.
Pour INSTE : http://www.inste-france.fr/ ; pour ITEA : http://www.itea-edu.com/ ; pour Aventure Formation : https://www.xl6.com/articles/9782755001457-aventure-formation-1-une-formation-biblique-et-pratique-en-3-ans
10.
Voir http://www.eglises-baptistes.fr/Formation/Facultes-et-Instituts.html#.V64AqY5rKtA pour un inventaire de ces instituts.
11.
http://www.formapre.org/
12.
2 Timothée 2.2.
13.
Philippiens 1.6.

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