Lecture : Exode 5.22-6.4
« Moïse revint vers le SEIGNEUR et dit : Seigneur, pourquoi as-tu fait du mal à ce peuple ? Pourquoi m’as-tu envoyé ? Depuis que je suis allé trouver le pharaon pour parler en ton nom, il fait du mal à ce peuple, et tu n’as pas délivré ton peuple !
Le SEIGNEUR dit à Moïse : Tu verras maintenant ce que je vais faire au pharaon. C’est sous l’action d’une main forte qu’il les laissera partir, c’est sous l’action d’une main forte qu’il les chassera de son pays. Dieu (Elohim) dit encore à Moïse : Je suis le SEIGNEUR (YHWH). Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu-Puissant (El-Shaddaï) ; mais je ne me suis pas fait connaître d’eux sous mon nom de SEIGNEUR (YHWH). J’ai aussi établi mon alliance avec eux, pour leur donner Canaan, le pays où ils ont séjourné en immigrés. »
La Pâque juive (ou Pâques pour ce qui est de la fête chrétienne), est étroitement liée aux notions de justice, de liberté et de foi.
Pour les chrétiens, Pâques est ce moment précis dans l’histoire de l’humanité où Dieu fait justice ; et de cette justice une liberté surgit. Mais cette justice n’est effective qu’à partir du moment où l’on prête foi à cet acte de justice.
Mais la Pâque renvoie aussi d’une manière inéluctable à cette nuit où le peuple hébreu fut libéré d’Égypte, où justice a été rendue, où l’espérance est devenue réalité. La Pâque juive, comme la fête de Pâques chrétienne, s’inscrivent dans une réalité qui nous dépasse et que nous constatons aussi jour après jour : celle du déjà et du pas encore.
Le peuple hébreu sera déjà sauvé de l’Égypte, mais pas encore dans sa Terre promise. Nous sommes déjà libérés du péché, mais nous ne sommes pas encore dans cet état de perfection.
Et ce sont ces notions de justice, de liberté, de foi, et cette réalité du déjà et du pas encore, qui mettent à mal Moïse dans la mission que Dieu lui confie. Moïse, celui que Dieu va choisir pour libérer le peuple, est un homme qui a soif de justice. Si, dans notre texte, il est réticent à l’idée d’aller en Égypte pour libérer le peuple, il n’a en revanche pas hésité à un autre moment de son histoire à se mettre en danger pour faire justice. Il n’a pas hésité à tuer l’Égyptien qui maltraitait l’Hébreu et donc à se mêler d’un problème qui ne le concernait pas (Ex 2.11-12). Il n’a pas hésité à vouloir faire justice auprès des deux Hébreux qui se querellaient alors que ce problème ne le concernait pas (Ex 2.13). De même, malgré le lourd tribut qu’il avait payé en fuyant l’Égypte, il n’a pas hésité à faire justice en faisant fuir les bergers qui maltraitaient les filles de Jethro (Ex 2.17). Là encore, Moïse se mêle de ce qui ne le regarde pas. Moïse demeure le même lorsqu’il accepte finalement de répondre à l’appel de Dieu, car une nouvelle fois, il s’agit d’une mission qui relève de la justice : libérer un peuple de l’esclavage.
Mais les choses ne vont pas se passer comme il l’espérait. Moïse va faire l’amère expérience que le temps de Dieu n’est pas nécessairement le temps qu’il s’était fixé. En effet, alors qu’il s’attendait à ce que Pharaon libère le peuple, il a finalement constaté que Pharaon avait choisi d’asservir encore plus durement les Hébreux : en plus de fabriquer des briques, le peuple devait maintenant chercher la paille pour la confection des briques (Ex 5.6-18). Et pour Moïse, la chute fut brutale. Ce n’était pas le « contrat », les choses ne devaient pas se passer ainsi ! Moïse a donc exprimé son incompréhension à Dieu : « 400 ans d’esclavage, ce n’est pas suffisant ? Il faut en plus que tu alourdisses le fardeau du peuple ? Pourquoi ne fais-tu pas justice ? » (Ex 5.22-23).
Face à cette plainte, Dieu répond d’une manière quelque peu étonnante :
« Dieu (Elohim) dit encore à Moïse : Je suis le SEIGNEUR (YHWH). Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu-Puissant (El-Shaddaï) ; mais je ne me suis pas fait connaître d’eux sous mon nom de SEIGNEUR (YHWH) » (Ex 6.2).
Que fait Dieu ici ? En quoi cette interpellation de sa part est-elle une réponse pertinente à la critique de Moïse ? ...