Lettre à une inconnue qui passe

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Lettre à une inconnue qui passe

Assise à la table d’un petit bistrot parisien, je te vois avancer d’un pas rapide et passer devant moi sans même me jeter un regard. Ton manteau frôle le zinc de la table et ma tasse de café tremble sur sa soucoupe. Tu esquisses un léger « pardon » avant de te ruer en avant, le feu piéton vient de passer au vert. Tu es jeune et jolie, une « working girl » d’aujourd’hui, une vraie parisienne, quoi ! Ma tasse est presque vide, dans quelques instants je reprendrai place, moi aussi, dans la course infernale des inconnus qui passent pour ne pas rater le TGV qui me ramènera dans ma belle province. Et voilà que je me surprends à regretter de ne pouvoir entamer un brin de causette avec toi…

Il y aurait tant de choses à dire…

Sur toi et la vie qui est devant toi, sur les choix que tu auras à faire ou que tu as peut-être déjà faits et qui ne te satisfont pas vraiment, au vu du pli profond qui barrait ton front baissé. Sur moi également, sur ma vie et les choix que j’ai faits. Et puis aussi, sur tout ce qui se passe autour de nous, qui frôle la folie parfois et qui fait souvent peur. Vois-tu, je ne te l’ai pas dit lorsque je t’ai fait assoir mentalement à ma table, parce que peut-être que cela t’aurait mise mal à l’aise : je suis pasteure ! Oui, c’est ça, une ministre du culte, puisque depuis peu l’académie française a accepté la féminisation des noms de profession…

Pas une question de religion

Là, ça y est, je sens le malaise arriver en toi, tu regrettes déjà de t’être assise, tu n’aimes pas les religions. C’est normal, elles ne cessent de défrayer la chronique en ce moment et ce depuis presque aussi loin que tu t’en souviennes, puisque tu n’as pas trente ans : Les scandales de pédophilie et d’abus sexuels sur les religieuses dans les églises catholiques sont tout récents, les attentats perpétrés un peu partout par des islamistes radicaux et les exactions de Daesh hantent encore nos mémoires. Tu penses que les religions n’apportent dans leur sillage que violences et souffrances. De plus, elles considèrent très mal les femmes, les cantonnant dans des rôles subalternes dont plus personne ne comprend la raison ! Quant à la manière dont les religions conçoivent la sexualité, inutile d’en rajouter…

L’Évangile n’est pas ce que tu crois

Je me surprends à hocher la tête devant la chaise vide qui me fait face. Ton discours résonne haut et fort, porté par toute ta génération, une génération qui n’a pas fréquenté comme moi les bancs du catéchisme et qui refuse – avec raison – les enfermements moralistes, mais qui du coup, ignore tout des textes qui sous-tendent ces mêmes religions. Voilà, j’en arrive au cœur de ce que je souhaitais te dire en te voyant frôler ma table : ce n’est pas cela l’Évangile ! Combien mon cœur saigne en pensant à toutes tes convictions concernant le christianisme et que des évènements dramatiquement contraires à l’esprit de l’Évangile ont imposé à ton esprit parce qu’ils étaient le fait d’hommes prétendant agir de la part de Dieu…

Il me semblait important de rectifier cela et c’est pourquoi je t’ai arrêtée malgré ton empressement à rentrer chez toi après une journée de travail bien remplie : L’Évangile, c’est une bonne nouvelle ! C’est d’ailleurs ce que le mot signifie. Et cette bonne nouvelle, c’est tout d’abord celle d’un Dieu aimant, qui libère et console ceux qui s’approchent de lui. C’est également celle d’un Dieu qui s’approche de l’humanité et va jusqu’à endosser cette humanité pour lui apporter ce dont elle a besoin, comme de l’intérieur. Que l’on soit homme ou femme, riche ou pauvre, français ou éthiopien ne change rien à cela : l’homme-Dieu, que la Bible nomme Jésus, nous fait connaître la profondeur de l’amour de Dieu à notre égard et ouvre un chemin nouveau qu’il nous demande d’emprunter à sa suite. Rien à voir donc avec toutes ces horreurs dont nous entendons parler à longueur de bulletins d’information…

Et le péché alors ?

Ah oui, le péché, les interdits, les « il faut » et les « il ne faut pas » que toutes les religions dressent inlassablement devant leurs fidèles. Il n’est pas étonnant que tu parles ici de ta liberté et que tu l’opposes à l’Évangile, comme s’il était possible et souhaitable de vivre sans lois. Mais souviens-toi. N’as-tu pas toi-même pressé le pas tout à l’heure pour traverser la chaussée pendant que le feu était au vert ? Au fond de toi, tu sais donc, tu sens, que la liberté ne signifie pas l’absence de lois, mais qu’au contraire certaines lois sont nécessaires pour permettre la vie. Ainsi, un match de foot n’existe que si les deux équipes acceptent les mêmes règles. Vois-tu ? Les lois permettent la vie et ne l’amputent pas. Ce que tu nommes péché et dont tu as entendu parler par-ci par-là, souvent par des personnes peu au fait de la foi chrétienne, relève le plus souvent d’un excès de morale.

Les deux facettes de l’Évangile

Certes, la Bible parle du péché, mais jamais pour t’accuser ! Bien au contraire. D’ailleurs le sens de ce mot diffère probablement de ce qu’il y a dans ta tête à ce sujet : étymologiquement, il signifie « rater la cible ». Voilà qui donne à réfléchir, n’est-ce pas ? Et l’autre volet de l’Évangile, c’est que la mission de l’homme-Dieu, Jésus, dont je t’ai parlé tout à l’heure, était de régler cette difficulté que représentent nos ratages. Il l’a fait en donnant sa vie pour toi et pour moi, pour tous ceux qui souhaitent vivre d’une manière nouvelle avec Dieu. Parce que, oui, nos incessants ratages étaient un problème pour Dieu. Il en va ainsi lorsque l’on aime réellement quelqu’un, on souhaite le meilleur pour lui. Il te reste à apprendre comment le don que l’homme-Dieu, Jésus, a fait de sa vie, a pu régler le problème de tes ratages et des miens. Il m’est impossible de tout te dire ici. Il faudra pour cela que tu empruntes toi-même le chemin, que tu écoutes cet homme-Dieu parler et que tu te fasses toi-même ton opinion…

Voilà, mon café est terminé et mon train ne m’attendra pas si je tarde encore.

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Si ce dialogue entre moi et ma ‘working girl’ a été de l’ordre de l’imaginaire, il n’en va pas de même entre toi et moi, amie lectrice Avant de te quitter, il me reste à espérer que ces quelques mots  t’auront permis d’entrevoir qu’il y autre chose dans ces vieux  textes que l’on nomme Évangiles, qu’une liste de vieux préceptes indigestes et couverts de poussière…

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Pour aller plus loin

1 Jean 4.8 ; 1 Corinthiens 6.12 ; Jean 16.13, Apocalypse 21.4 ; Jean 3.16 ; Galates 3.28 ; Romains 8.38-39 ; Jean 14.6 : Romains 7.12

Commentaires

Fabre Armand

23 April 2020, à 09:44

Votre lectrice est un lecteur. Ce petit article montre le décalage entre le véritable évangile et ce que les hommes en ont fait. Ne nous étonnons pas s'il est rejeté aujourd'hui. Vous définissez très bien ce qu'est le péché par rapport au moralisme qui l'a remplacé. Au cours d'un "message" je demandais à l'auditoire pourquoi la chanson de J-J Goldman "A nos actes manqués" était l'une de ses succès, alors qu'elle parle à l'évidence des...Péchés. Ainsi il nous faut tout "réexpliquer", ce que vous faites...Encouragements

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