Une amie
Nous allons visiter une amie proche à l’hôpital. Elle a un cancer des os et s’affaiblit. Elle ne parle plus guère ; alors nous chantons un cantique. Ses yeux s’éclairent et nous invitent à aller plus loin. Nous parlons avec douceur de son prochain départ. Alors sa main qui tient la mienne se serre tandis qu’un doux sourire efface temporairement les traits douloureux de son visage. Elle dit merci dans un soupir. Nous poursuivons l’entretien en lisant pour elle ces textes de la Bible qu’elle aime et que ses yeux fatigués ne peuvent plus déchiffrer. Quand nous nous quittons, c’est nous qui sommes reconnaissants.
Mon père
La lente déchéance de mon père m’est insupportable. Depuis plusieurs mois, je prie Dieu de ne pas le laisser partir par petits bouts. Sa vie a été riche, que peut-il attendre de ces jours qui s’éternisent ? Pourtant à chaque fois, ma prière s’achève par ces mots : « Pas trop vite, je l’aime tant. » Ce jour-là, je suis allé le voir à la maison de retraite où il a été accepté depuis peu. Je fais ce que je peux pour l’intéresser à ce qui se passe autour de lui, mais il est fatigué. Je reste donc assise à côté de lui et lui passe un bras autour des épaules. Je prends conscience que c’est un geste que je fais pour la première fois. Il signifie tout mon amour pour lui, que je ne sais pas exprimer. Trois jours plus tard, il meurt. Ma gratitude va vers Dieu. Il a eu pitié de moi et m’a permis d’être prête pour ce moment.
Ma mère
Maman vient de recevoir le diagnostic : cancer du pancréas. Avec calme, et avec toute la connaissance qu’elle a retenue de ses cours universitaires, elle nous explique le processus qui la mènera jusqu’à la fin de sa vie. Nous avons les larmes aux yeux, mais elle est sereine. Elle a toujours aimé le moment présent. Au cours des deux mois qui vont suivre, elle nous confiera son parcours de découverte de Dieu, sa vie de foi. Qu’il est précieux de partager ces temps qui nous ont précédés comme ceux que nous avons vécus avec elle, mais de l’extérieur. Ce samedi soir, quand je la quitte, elle est vraiment très affaiblie. Elle murmure : « Il va falloir préparer l’enterrement de grand-mère ! » Je ne sais si elle se sent partir ou si elle délire. Environ deux heures plus tard, elle demande à ma sœur, son infirmière, de la préparer pour la nuit. C’est alors que ma sœur constate une hémorragie interne. Elle lui dit : « Maman, je crois que le Seigneur vient te chercher. » « C’est vrai ? répond maman. Alors c’est merveilleux ! » Ce seront ses derniers mots, quelques heures plus tard elle rendra son dernier souffle.