Quel regard porter sur les méditations laïques actuelles ?

Complet Réflexion

Émeline Kreiss est psychologue spécialisée en neuropsychologie. Nous l’avons interrogée sur sa pratique de la méditation tout en bénéficiant de son regard de professionnelle.

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Qu’entendez-vous par méditer ?

ReflexionMéditer, c'est être en état de conscience modifiée, soit concentré sur quelque chose, soit ouvert aux expériences. Notre conscience peut naturellement naviguer dans un spectre large entre l'éveil et la veille : de l'état légèrement inattentif lorsque nous faisons la vaisselle par exemple, jusqu'aux portes du sommeil, prêts à nous endormir. Dans tous ces états, l'audition reste un sens en alerte car il est indispensable pour nous prévenir des dangers. On peut donc suivre un contenu audio en étant plus ou moins conscient. C'est le levier des méditations guidées. Ces pratiques ont parfois un objectif thérapeutique, mais la plupart du temps, elles ont un objectif préventif ou de développement personnel, comme par exemple lorsque je les pratiquais pour être efficace en examen et prévenir mes angoisses habituelles.

Vous parlez de « méditation laïque ». Qu’entendez-vous par là ?

Les méditations ont des origines religieuses multiples : le christianisme bien sûr, mais aussi le bouddhisme, l'hindouisme, le taoïsme ou encore le soufisme (un courant mystique islamique). Les méditations laïques sont censées être dépourvues de religieux mais cela dépend parfois des guides. Dominique Salin, théologien jésuite, écrit : « Il est inutile d’insister sur les risques (…) lorsque le guide spirituel s’improvise psychothérapeute ou lorsque le thérapeute s’improvise gourou. » Parfois, le guide peut imposer ses pratiques religieuses, avoir un discours radical pendant la méditation, exiger une assiduité ou une rémunération exorbitante. Il faut rester prudent : une méditation laïque ne doit rien comprendre d’apparenté à une religion ou à une secte. Par exemple, la sophrologie ou la pleine conscience (MBSR, MBCT) sont largement pratiquées de manière laïque.

Vous conjuguez prière chrétienne et méditation laïque. Pouvez-vous nous dire quelle place elles prennent dans votre vie ?

En effet, je pratique quotidiennement la prière et les méditations laïques : l’une s’adresse à mon Dieu et les autres à mon être intérieur.

Le plus simple est de vous donner une illustration. Imaginez-moi un matin d'hiver frais. Je me prépare à affronter des examens de licence de psychologie. Je rumine : « Encore un examen de plus… Pourquoi suis-je toujours stressée ? J'en ai pourtant l'habitude ! » Je m’adresse alors à Dieu : « S’il te plaît, Seigneur, aide-moi à me calmer et à bien répondre. Au nom de Jésus, Amen. » En sortant de chez moi, je visse des écouteurs sur mes oreilles rouges et j’enfonce ma tête dans mon écharpe. Je me laisse emporter par la méditation audio durant les quinze minutes de route vers la faculté. Une fois arrivée, je me sens revigorée, remplie d'énergie et en pleine possession de mes moyens.

Oui, prière et méditation sont deux disciplines de corps et d’esprit qui me tiennent à cœur.

Quelle différence faites-vous entre la lecture de la Bible lue dans un esprit de prière et ces techniques de méditation ?

Je pense qu’il y a des similitudes. Comme je disais, méditer, c’est soit être concentré sur quelque chose, que ce soit la Bible ou soi-même, soit être ouvert aux expériences, avec ou sans Dieu. La différence majeure est que les méditations laïques ne font pas référence à une religion. Donc, lorsqu’on s’intéresse à la Bible ou à Dieu, cela n’en fait plus partie.

Que dites-vous aux chrétiens réticents à la méditation laïque ?

Dieu offre à ceux qui croient en Jésus-Christ une nouvelle vie, éternelle. Voilà ce qui est le plus important. Selon la Bible, la vie éternelle, avec une pleine santé mentale et physique est voulue par Dieu depuis nos origines. Depuis la rébellion humaine, Dieu met par grâce à notre disposition des outils de confort et de soin. La méditation en est un parmi d’autres.

Pour plaire à Dieu, le chrétien doit donc éviter toute méditation religieuse non-chrétienne et tout ce qui pourrait le rendre vulnérable, voire perméable, aux autorités spirituelles présentes.

Personnellement, quand j’envisage une méditation, je prends le temps de vérifier qui est mon guide : ses ancrages scientifiques et religieux, sa tendance à imposer sa volonté ou à me laisser le libre arbitre. Surtout, je prends l’habitude de prier avant, pendant, voire après la méditation, pour remettre à Dieu ma santé et mon épanouissement personnel. Se confier à son créateur pour ces choses-là me paraît être la pratique la plus sage et la plus efficace.

Émeline Kreiss, Rédactrice en chef du magazine Aspir’à +

Qu’en disent les scientifiques ?

Les psychologues cliniciens pratiquent ou conseillent parfois des méditations guidées à leurs patients, en complément d’une psychothérapie. Cela peut être le cas pour des troubles de l’humeur, en particulier la dépression chronique, des douleurs chroniques, et parfois pour des troubles de l’attention ou des séquelles de traumatismes. Par contre, d’après les praticiens, elles sont contre-indiquées lorsqu'il y a un risque de perdre le contrôle de soi : phases aigües de troubles psychiatriques, troubles psychotiques, paniques ou bipolaires…

De nombreuses études expérimentales robustes et d’imagerie cérébrale montrent des effets bénéfiques de la méditation laïque, surtout pour les personnes jeunes et en bonne santé, lorsqu’elle est pratiquée de manière soutenue et régulière. Les bénéfices des méditations laïques ne sont donc visibles que pour certaines personnes et dans certaines conditions.

Quatre questions à se poser avant de méditer

1.    Est-ce que je perds parfois « le contrôle » sur ma conscience (crises de colère, d’angoisses, de violence, d’automutilation, délires…) ? Si oui, je ne dois pas méditer, c’est contre-indiqué.

2.    Est-ce que je souhaite pratiquer régulièrement, pendant au moins plusieurs semaines ? Sans cela, je risque de ne pas profiter des bénéfices de la méditation.

3.    Est-ce que mon guide / ma méditation est religieuse (référence à un dieu, une entité supérieure, une transcendance) ? Si oui, je cours le risque de pratiquer une religion non-chrétienne et je dois faire attention aux dérives sectaires. M’abstenir.

4.    Est-ce que je crois que Dieu veut s'occuper de ma vie, qu’il peut même me guérir ? Si j'en doute, je peux approfondir ma connaissance de Dieu et tenter de lui demander directement par la prière. Je peux commencer à prier régulièrement, comme une réelle discipline de l'esprit.

« La quête spirituelle qui résoudrait tous les problèmes est une illusion. Jésus donne le repos de l’âme et du corps. Par lui, le bonheur est durable. »

Agnès Laucher, psychologue

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