Il n’était pas rare, naguère, de rencontrer des personnes qui n’avaient jamais quitté leur village. C’est devenu plus rare aujourd’hui, et puis nous avons à notre disposition toute une série d’outils qui font entrer le monde chez nous : la télévision, mais aussi le téléphone, dont le coût a baissé, des ordinateurs faciles à utiliser, Internet, etc. Notre mentalité s’est-elle élargie pour autant ?
Les préjugés ont la vie dure
Nous continuons à nous imaginer les autres groupes sociaux avec toute une série de stéréotypes qui leur collent à la peau. Les gens du Midi se méfient des gens du Nord, et réciproquement. Depuis l’étranger, on se fait une idée figée de ce que serait un Belge, un Français ou un Suisse, alors que, dans la réalité, ils sont très divers. Les vieux sont effrayés par les jeunes, qui, de leur côté, sont persuadés que les vieux ne comprennent rien à rien. À l’école, des clans se forment. Les collégiens et les lycéens sont munis d’outils multiples pour communiquer, mais ils dressent quand même des barrières entre ceux qui font partie de leur clique et les autres. Nos sources d’information se sont multipliées, mais nous continuons à nous limiter aux idées qui nous conviennent, sans trop les remettre en question. Les moteurs de recherche ont, depuis plusieurs années, intégré le fait que nous aimons entendre sans cesse les mêmes affirmations et ils font remonter, dans la liste, les résultats qui nous confortent dans nos croyances de base.
Si proches, mais si loin les uns des autres
Bref, le monde est à notre portée, le coût des transports est bien plus faible que par le passé, mais notre tête ne suit pas. En fait, nous avons suffisamment de sollicitations à notre portée pour pouvoir nous dispenser d’élargir nos centres d’intérêt.
La conséquence de cet enfermement est que nous avons beaucoup de mal à comprendre des personnes que nous côtoyons au jour le jour, mais qui sont différentes de nous. Nous sommes devenus incroyablement proches, géographiquement, les uns des autres, mais nous nous éloignons de plus en plus, socialement, les uns des autres. Les dialogues s’étiolent. L’hostilité entre groupes augmente. Et il semble normal de faire appel à la force pour régler nos différends plutôt que de chercher à s’expliquer entre personnes de bon sens.
Des murs dans nos têtes

Malgré les apparences, nos horizons mentaux se rétrécissent, ces dernières années. Nous surfons sans trop chercher à approfondir, et les raisonnements trop différents de nos habitudes nous glissent dessus.
Les conséquences sont visibles : de toutes parts les tensions entre personnes, entre groupes, entre acteurs, entre États augmentent. Les logiques de guerre et de rapports de force prennent le dessus. Et cela accentue encore notre repli dans des bastions dont nous hésitons de plus en plus à sortir.