Dans la pensée populaire, le bouddhisme passe pour une religion tolérante, tandis que les religions monothéistes sont caractérisées par la violence et l’intolérance.
On oppose ainsi facilement le portrait souriant du Dalaï Lama au visage haineux d’un terroriste agissant au nom d’Allah. D’après la pensée dominante, postuler un seul Dieu dériverait fatalement vers les exclusivismes religieux, porteurs de guerre.
Faisons la part des choses
Au Sri Lanka, hindouistes et bouddhistes, tous deux issus de l’Inde, « patrie de la non-violence », se font une guerre impitoyable tandis que, sous la domination des musulmans, l’Espagne médiévale a connu de longues années de cohabitation pacifique.
On pourra citer aussi les violences de plusieurs siècles du paganisme romain à l’égard des chrétiens, les persécutions des juifs, des chrétiens, des bouddhistes, des brahmanes et des manichéens par le mazdéisme dans la Perse sassanide.
Par contre la tradition chrétienne compte aussi son lot de mouvements authentiquement pacifistes, par exemple les Quakers et les communautés anabaptistes.
N’oublions pas que des hommes de paix comme Martin Luther King, Desmond Tutu… et bien d’autres ont puisé dans leur foi chrétienne une partie de leurs convictions morales et politiques.
Un athéisme sanguinaire
Les explosions anticléricales sous la Révolution française le rappellent tragiquement, il est même possible de tuer au nom des Lumières et de la Raison. Certaines formes vicieuses de nationalisme et des religions civiles peuvent être dévastatrices. Les plus grandes persécutions religieuses du 20e siècle sont celles des régimes totalitaires fascistes et communistes. Or, l’Union soviétique et la Chine de Mao étaient officiellement athées.
Des causes complexes
Des penseurs comme Thucydide, Machiavel et Hobbes ont montré comment le désir de gloire, de pouvoir et de conquête, et l’emprise des passions mènent souvent à la violence et à l’intolérance.
Ce sont bien des motifs politiques qui étaient à l’œuvre dans le déclenchement de l’Inquisition espagnole de la fin du 15e siècle et des guerres dites « de religion » des 16e et 17e siècles. Si les conflits entre catholiques et protestants ont abondé dans la foulée de la Réforme, des catholiques se sont aussi battus entre eux pour des raisons politiques comme lors du pillage de Rome (1527).
Qui pourrait nier que ce sont les conséquences du colonialisme européen et de l’interventionnisme des États occidentaux qui se font sentir aujourd’hui en Irak, en Iran, en Syrie, en Égypte, au Liban, dans le conflit israélo-palestinien ou dans les tensions entre l’Inde et le Pakistan ?
Partout, la même condition humaine
Toutes les religions vivent une tension entre guerre et paix : chacune est travaillée par des appels contradictoires à la haine et à la réconciliation, parce qu’elles portent le sceau de l’homme. Mais des hommes et des femmes de bonne volonté peuvent aussi cultiver une spiritualité qui débouche sur une quête de l’absolu permettant de dialoguer sereinement avec les autres et de collaborer sur bien des sujets. C'est d'une importance cruciale pour nos fragiles démocraties.