Quand tout bascule autour de nous…

Complet Réflexion

Le 14 juillet dernier, la région de Liège (Belgique) a été touchée par des inondations sans précédent, une catastrophe vécue comme un véritable « tsunami » par ses habitants. Pendant deux jours, l’eau a dévasté des quartiers entiers, charriant tout sur son passage, faisant plus d’une trentaine de victimes.


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Interview du Capitaine Michael Druart, officier de l’Armée du Salut à Liège :

Comment avez-vous réagi ?

Des inondations, on en voit tous les ans à la télé, mais quand on est directement touché, cela change tout. En situation d’urgence, on cherche d’abord à contribuer à sauver des vies, il faut réagir vite. Les questions viennent après.
Face à l’horreur, face au drame, je me suis souvent arrêté sur le bord de la route pour pleurer.

LiègeComment ont réagi les gens autour de vous ?

Quand le malheur arrive, il n’y a d’abord pas de mots pour le dire. On le subit. Ensuite, vient le pourquoi, la recherche de sens. On cherche des réponses… Puis s’exprime la colère devant le manque d’anticipation et le manque de moyens mis en œuvre. Ensuite, on entame la période de deuil : à la fois matériel et, dans certains cas, humain avec la perte de personnes chères autour de soi…
Quand les gens reviennent sur les lieux de la catastrophe, ils réalisent tout ce qui a été perdu. Les familles sont sous le choc : cauchemars, dépressions, envie d’en finir. Le choc post-traumatique peut entraîner des burn-out voire même des violences au sein des familles. Une dame m’a confié : « J’ai 82 ans, j’ai tout perdu, même les photos de mon mari décédé. Toute une vie est partie en quelques heures, comment voulez-vous que je fasse à mon âge ? »

Comment peut-on garder le cap dans la tourmente ?

Notre première mission à l’Armée du Salut c’est d’être présent auprès des sinistrés. En même temps que l’on apporte une aide matérielle (lire ci-dessous) et que l’on travaille dansles maisons, on parle avec les personnes et cela participe à leur guérison. Nous sommes dans une écoute active.
Certains sont en quête de sens et demandent ce qu’ils ont fait au « bon dieu » pour mériter ça. Nous sommes là pour les accompagner et les aider dans leur réflexion.
D’autres demandent la prière. Ce peut être un éveil sur le chemin de la foi : accepter la présence divine dans son quotidien aide à le supporter.
Avec la mort, se pose aussi la question de l’après. Le christianisme propose un espoir avec l’espérance de la vie éternelle.

En quoi Dieu est-il un secours ?

Les gens qui ont la foi (et c’est vrai pour toutes les religions) s’en remettent à Dieu. La foi est une poignée d’accroche dans la vie quand tout s’écroule. Je pense que cela fait la différence. S’abandonner dans les mains de Dieu n’est pas une perte mais on gagne en humanité. Une catastrophe comme celle-ci nous rend plus humain. Cela aide à dépasser les préjugés, les différences de classes sociales, de culture ou de couleur de peau.
Une famille de Roms, mal perçue par ses voisins, a ainsi sauvé un enfant de la noyade. Le père n’a pas hésité à se jeter à l’eau pour le sauver.
L’humanité prend forme quand on prend soin de son frère. Au fond de tout être humain, il y a le désir de venir secourir l’autre. Cette humanité ne peut être noyée. On comprend alors ce que cela signifie « être créé à l’image de Dieu* ».

Est-ce que cela a bouleversé votre conception de la vie ?

J’ai souvent été confronté à des drames. L’an passé, mon fils a frôlé la mort. Quand tout s’effondre, j’ai l’impression que la vie est encore plus présente. Ça nous rapproche les uns des autres. Personnellement, ça renforce ma conviction de rechercher toujours plus d’humanité grâce à Jésus.

Celle des autres ?

Les personnes qui fondent leur existence sur le matériel ont été les plus malheureuses. Elles ont tout perdu et pris conscience que tout était fragile. C’est bien d’avoir des projets, c’est nécessaire, mais est-ce que ce sont les projets matériels ou professionnels qui donnent sens à la vie ?
Être humain c’est plus que ça !

*Genèse 1.27

L’Armée du Salut au secours des sinistrés de Liège

Christel : « Quand j’ai vu l’eau monter, j’ai pensé sauver ma voiture. Mais en revenant à la maison, quelques minutes après, j’ai dû m’accrocher au poteau pour ne pas être emportée. J’ai réussi à rentrer chez moi. J’aurais dû écouter les secours qui m’invitaient à quitter mon logement. »
Une de ses collègues a passé plusieurs heures sur le toit de sa maison. Elle explique : « J’aurais dû partir plus tôt. Je vois encore les corps flotter sur l’eau ; c’est horrible ! Le bruit de l’eau ne cesse de résonner dans ma tête. »
Quoi qu’il en soit, toutes les équipes se sont mobilisées pour porter secours aux sinistrés. Malgré la perte de six à huit tonnes de vivres dans les inondations, le centre communautaire de l’Armée du Salut a multiplié les actions pour leur venir en aide.
Dès le 14 juillet au soir, des lits et des sacs de couchage ont été apportés aux sinistrés dans les salles de sport où ils étaient accueillis. Des vêtements, des denrées sèches, du café leur ont été distribués.
Le lendemain, l’aide s’est poursuivie dans les points de crise avec la distribution de kits de vêtements et la préparation de 2.000 repas par jour. Les centres de l’Armée du Salut de Hollande et de Paris ont aussi apporté du renfort en nourriture, en matériel et en personnel. Plus tard, les équipes de nettoyage ont été dépêchées dans les points de crise et la mise en place de repas à domicile organisée. L’Armée du Salut a été sollicitée par l’armée belge pour la distribution de l’aide alimentaire.
Aujourd’hui, les secours continuent car il faudra des années pour retrouver un paysage et une vie normale en Province de Liège, la zone la plus touchée par la catastrophe.

Marie et Michael Druart

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