Dans ses travaux sur l’ironie, Muecke identifie trois éléments de base1 . Le premier est ce qu’il décrit comme un phénomène biréférentiel (« two-storey phenomenon ») dans lequel le niveau inférieur est la situation telle qu’elle apparaît à la cible de l’ironie, ou telle qu’elle est présentée de manière trompeuse par celui qui ironise; le niveau supérieur est la situation telle qu’elle apparaît à l’observateur averti ou à celui qui ironise. Le deuxième élément est l’« opposition », la contradiction ou l’incongruité entre les deux niveaux. Ainsi, ce qui est dit peut être contredit par ce qui est signifié ou ce que la cible de l’ironie pense ou affirme peut être contredit par ce que l’observateur sait. Le troisième élément fondamental de l’ironie est celui de l’« innocence », c’est-à-dire la situation dans laquelle la cible de l’ironie ignore la possibilité même qu’il existe un niveau supérieur qui invalide son point de vue. On peut alors distinguer divers types d’ironie: les ironies verbales2 , les ironies dramatiques3 et les ironies situationnelles4 . En outre, il existe une diversité d’objets qu’un auteur peut cibler, comme le note Muecke: « The object of irony may be a person […] an attitude, a belief, a social custom or institution, a philosophical system, a religion, even a whole civilization, even life itself 5 . » Si nous commençons cet article par une définition de l’ironie, c’est précisément parce que le texte qui retient notre attention, Matthieu 2.1-23, en est imprégné. Dans un premier temps, nous mettrons en évidence l’ironie qui accompagne la présentation du thème du pouvoir tout au long du chapitre. Puis nous soulignerons la manière dont cette stratégie narrative permet un renversement paradoxal : Israël est en exil dans son propre pays. Nous terminerons en montrant comment, au sein même du renversement, Matthieu convoque deux textes de l’Ancien Testament, capables d’entrer en discussion avec son récit et de susciter des attentes de fin d’exil....